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La neutralité philosophique dans les services publics hospitaliers

  • Session : 2010-2011
  • Année : 2010
  • N° : 48 (2010-2011) 1

Question écrite du 29/11/2010

  • de BOLLAND Marc
  • à TILLIEUX Eliane, Ministre de la Santé, de l’Action sociale et de l’Egalité des chances

La liberté de conscience est une liberté fondamentale. La neutralité du service public permet de la rendre effective.

Ce problème est crucial particulièrement dans les établissements hospitaliers, compte tenu de la proximité des problèmes liés à la maladie, à la naissance, à la mort, à la souffrance, etc., qui y existent par essence.

Existe-t-il un règlement d’ordre intérieur commun à tous les établissements publics hospitaliers dépendant de la Région wallonne concernant cette problématique et envisageant les différents aspects de son application?

A défaut, Madame la Ministre dispose-t-elle d’un relevé de ces R.O.I., relevé qui permettrait de faire apparaître des lignes de force communes, mais aussi les éventuelles divergences et leur importance?

Réponse du 15/12/2010

  • de TILLIEUX Eliane

L’hôpital est en effet un lieu de vie, parfois de fin de vie, de soins et d’intimité où il est indispensable de garantir une égalité de traitement, un respect de la personne, mais aussi des règles qui permettent tant aux équipes soignantes de travailler dans la plus grande clarté possible qu’aux patients d’être soignés en totale confiance.

Pour ce qui concerne la patientèle, je rappellerai juste qu’en vertu du droit fondamental à la liberté de pensée, de conviction et de religion, la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient précise l’obligation de la part du praticien professionnel (au sens large), à des prestations de qualité répondant aux besoins du patient, dans le respect de sa dignité et de son autonomie sans qu’aucune distinction ne soit faite.

La loi sur les hôpitaux garantit par ailleurs pour sa part l’assistance morale, religieuse ou philosophique à tout patient hospitalisé.

Pour ce qui concerne le personnel hospitalier, le débat est par contre plus difficile.

En Belgique, l’Etat est considéré comme neutre. Même si le principe n’est pas inscrit comme tel, il se déduit d’une série d’articles dans la Constitution et le Conseil d’Etat a par ailleurs confirmé et précisé dans un arrêt de mai 2008 l’exigence de neutralité que se doit d’adopter un agent de service public dans l’exercice de ses fonctions.

Les textes juridiques n’épuisent cependant pas la question. En particulier, la question de l’apparence de neutralité et d’impartialité qui, si elle s’impose sans conteste à certaines fonctions publiques dites d’autorité (ex. : un magistrat, un agent de police,… ), reste une notion peu précisée en droit public belge. Comment en effet considérer l’infirmier d’un hôpital public qui même s’il travaille pour une autorité publique, ne la représente pas? Comment établir une distinction entre le membre du personnel hospitalier en contact direct avec le patient et celui qui travaille en « deuxième ligne » (ex: le personnel d’entretien, le personnel administratif,… ) ?

Dans l’état actuel de la législation, je me bornerai à rappeler que la liberté fondamentale d’expression et de convictions consacrée par la Constitution belge et par la Convention européenne des droits de l’homme « ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publique, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » (art. 9 de la Convention européenne des Droits de l’homme). En clair, seule la loi peut limiter la liberté d’expression des individus quand celle-ci menace la démocratie, la sécurité, l’ordre public, la santé, etc.

Comme l’écrit Edouard Delruelle dans un article écrit pour le Centre d’études et de recherches en administration publique, le CERAP : « La Belgique n’a jamais tranché la question de savoir ce qu’implique véritablement l’apparence de neutralité de l’Etat et notamment si celle-ci doit se concevoir de manière exclusive ou inclusive: exclusive au sens où elle requiert l’abstention de toute démonstration d’appartenance convictionnelle; inclusive dans le sens où elle se manifeste par la pluralité affichée et assumée de toutes les appartenances convictionnelles ».

Dans le domaine hospitalier public belge comme dans d’autres secteurs d’ailleurs, force est de constater que nous fonctionnons toujours dans un système mixte: la neutralité de l’Etat est exclusive quand elle bannit par exemple tout signe convictionnel des hôpitaux publics ; mais elle est assurément inclusive quand elle impose l’organisation par l’hôpital public lui-même de l’accès à tous les ministres des cultes et conseillers laïcs demandés par les patients au nom du respect de leurs convictions religieuses.

La notion de règlement d’ordre intérieur que l’honorable membre évoque est une notion inconnue dans la législation hospitalière. A ma connaissance donc, les hôpitaux n’ont donc pas établi de tels règlements.

Enfin, je rappellerai que la circulaire ministérielle du 13 mars 1997 relative à l’assistance morale, religieuse ou philosophique aux patients hospitalisés prévoit que « la liberté entière d’opinion philosophique, religieuse et politique sera garantie à chacun. Pour l’application concrète de cette norme, il y a lieu de partir du principe que la liberté individuelle du patient doit être respectée autant que possible et que l’assistance morale, religieuse ou philosophique par un expert librement choisi doit lui être prêtée dans les meilleures conditions.». Cette circulaire s’applique (comme la législation hospitalière d’ailleurs) indistinctement qu’il s’agisse d’un hôpital public ou d’un hôpital privé.

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