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Une nation, pour quoi faire ?

Ces derniers jours, le concept de NATION est revenu à l’ordre du jour.

D’une part, parce que Bart De Wever a proclamé l’existence d’une nation flamande. D’autre part, parce qu’un débat a eu lieu sur le sujet en Wallonie entre Jean-Maurice Dehousse et Rudy Demotte. Enfin, parce que tout simplement, le 21 juillet, c’est la fête nationale belge et que le moins que l’on puisse dire, c’est que la Belgique s’interroge sur son identité.

Je crains que le débat ne se soit enlisé dans les méandres de la situation belge actuelle. C’est dommage car ce manque de perspective nous prive, je pense, de quelques éléments de réflexion utiles et intéressants.

Je voudrais attirer l’attention sur les éléments suivants :

  • la nation est un concept, une abstraction. La nation, c‘est un sentiment, un très fort sentiment d’appartenance à un groupe. Ce sentiment d’appartenance est renforcé par l’existence simultanée de différents points que les gens ont en commun : la langue, la religion, la culture.
  • Dans l’Europe du XIXème siècle, le concept de nation a rencontré celui de l’Etat. Cette toute puissance de l’Etat Nation a tellement marqué les esprits qu’aujourd’hui encore, des observateurs attentifs se laissent aveugler, en considérant que l’Etat nation est une réalité incontournable, à la base de nos institutions.
    Cette analyse me semble tout à fait imparfaite, et en plus elle est très dangereuse .
  • elle est imparfaite car, de toute évidence, le concept de nation n’est pas entièrement soluble dans celui d’Etat : un Etat a besoin d’un territoire pour exister, pas une nation. L’exemple de la nation juive ne sera nié par personne, or, la nation juive n’a pas dû attendre la création de l’Etat d’Israël pour exister.
  • elle est de toute évidence très dangereuse : l’europe du XIXème siècle a, au travers de l’idée d’Etat nation, poussé le nationalisme a son paroxysme avec les conséquences cruelles et indignes des deux conflits du XXème siècle notamment.
    Ceux qui invoquent l’Etat nation, de Mr De Wever à Mr De Decker devraient s’en souvenir.
  • néanmoins, nous avons toutes et tous un sentiment d’appartenance, plus ou moins fort. Certains vont se sentir européens, d’autres belges, d’autres wallons ou flamands, d’autres liégeois, etc.
    Ce qui est intéressant de constater je pense, c’est qu’aujourd’hui, rares sont ceux qui vont affirmer une appartenance unique : certains se sentent européens, mais aussi belges et wallons ; d’autres se sentent avant tout wallons, mais aiment aussi la Belgique ; etc.
    C’est une évidence : le monde a changé. Les frontières se sont ouvertes. Depuis des années, la mobilité (l’immigration certes, mais aussi la mobilité de tous les jours dans le monde ouvert d’aujourd’hui), l’explosion des moyens de communication ont modifié les données.
    Aujourd’hui, nous sommes tous dans un monde « pluriculturel ».
    Ainsi, en Wallonie, en fonction de différents facteurs (nos origines familiales, nos opinions politiques,…) nous nous sentons tous plus ou moins européens, belges, wallons, liégeois, voire italiens, français, portugais, turcs, etc. mais à des degrés divers, je dirais, à géométrie variable : sans nier nos appartenances, nous mettons chacun le curseur de façon plus forte sur un  trait ou l’autre, en fonction de notre vision personnelle.
  • je n’aime pas le nationalisme. Car il est inutile et dangereux. Il est inutile car il est tout à fait possible de concevoir des institutions qui permettent la vie en société, sans que ces institutions ne recoupent absolument les contours d’une nation. Il est dangereux car, qu’il vienne de gauche ou de droite, il aboutit par nature aux mêmes inepties politiques. Ce n’est pas Jean Jaurès qui aurait dit le contraire par exemple, et l’histoire n‘a suffisamment montré : on ne construit rien de politiquement acceptable sur base du nationalisme.
    Cela ne m’empêche pas d’être très attaché à mes racines wallonnes,  et, en même temps de considérer aussi, à des degrés divers, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, que je suis aussi européen, belge ou liégeois, par exemple.
  • pour construire le monde de demain, et particulièrement une Europe de paix et de prospérité, alors que ressurgissent de partout sur notre vieux continent les nationalismes imbéciles, nous avons besoin, non pas de nous attacher à des concepts dépassés dans les faits et rejetés par l’histoire, mais au contraire, de cultiver une appartenance à géométrie variable, conforme à la réalité de notre monde et à ses intérêts profonds.

Comme l’avait proclamé la gauche avec force début du XXème siècle, je me sens de cette manière, profondément internationaliste.

Tout simplement.

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