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VOEUX 2015 : le discours

Combien de Saint Barthélémy faudra-t-il encore ?

(discours de nouvel an du 24/1/2015, de Marc BOLLAND, Bourgmestre de BLEGNY)

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Nous sommes à Paris. Depuis plusieurs mois, monte une tension entre les uns et les autres : inquiétude, insécurité , peur…. Dans le pays, beaucoup sont dans la misère et sont prêts à suivre le premier aventurier venu.

Le complot est prêt. Ils savent qui ils veulent frapper ; ils savent quand ils vont frapper ; ils savent comment ils vont frapper.

Nous sommes le 24 août 1572, à Paris : cette nuit, des milliers de protestants vont être assassinés par des catholiques en folie.

Combien faudra t il de Saint Barthélémy encore pour que l’humanité prenne conscience d’elle-même ?

Aujourd’hui, ce ne sont pas les catholiques qui assassinent les protestants, mais, en Irak et en Syrie, les sunnites intégristes qui exterminent les alaouites, les chiiites et les sunnites modérés, car les musulmans sont les premières victimes de la barbarie qui déferle sur le monde. 

Aujourd’hui, cette violence barbare est présente tous les jours dans notre quotidien, au travers des medias, qui semblent se délecter de cette manne de chair fraîche et de téléréalité dont ils se servent sans retenue . Et, dans cette atmosphère irrationnelle, on mélange tout, on confond tout : le hold up du coin, l’accident de voiture, les génocides au Nigéria, la maîtresse du président de la république, la faillite de la Russie, le virus Ebola, les attentats de Paris, la misère à Schaerbeek, le chômage des jeunes, etc…

La violence est de retour . Sans pudeur, elle avance et ne se cache pas.

La violence des attentats odieux qui ébranlent notre société occidentale aujourd’hui dans ses fondements les plus chers.

La violence sociale, contre tous ceux dont la société ne veut plus : les chômeurs que l’on exclut, les étrangers que l’on veut renvoyer chez eux, les vieux qu’on envoie mourir dans des mouroirs, les jeunes qui n’ont pas droit à un avenir,…

Et pourtant, l’humanité semblait en marche.

Pour permettre aux peuples, aux gens, de régler leurs conflits en dehors de la violence, les Grecs avaient inventé un système. Cela s’appelait la démocratie. Ce système consistait simplement à discuter, à trouver une solution conforme à l’intérêt général, plutôt que de prendre un fusil ou un couteau.

Ce système s’appuyait sur des règles consenties par tous.

Ce système reposait sur un principe : dans la nature, c’est la loi du plus fort, le loup mange l’agneau ; dans la société humaine, c’est le règne de la raison. Il faut être rationnel et il faut être raisonnable . Si l’intelligence surnage, si l’esprit critique est présent, la violence s’éloigne.

Ce système était fondé sur l’idée d’une appartenance commune : les membres qui participaient au processus démocratique faisaient partie d’un groupe, ils n’en étaient pas exclus.

Ce système n’était pas parfait : les hommes, parfois, dans leur cupidité, détournaient les règles ; parfois, ils étaient corrompus ou incompétents ; c’est vrai . Parfois, cela prenait du temps pour mettre en place des règles consenties et acceptées par tous.

C’est vrai.

Mais c’était le prix à payer pour faire fuir la violence.

Aujourd’hui, tout le monde peut contester une règle, même la liberté d’expression.

Aujourd’hui, qui établit les règles, si ce ne sont les défenseurs discrets de minorités cachées au cœur des grandes institutions discrètes dont le siège est en Suisse ou aux îles Caïman ?

Aujourd’hui, nous ne sommes pas dans le règne de l’esprit critique, mais dans celui de l’instant, du réflexe, de la pulsion, de la consommation immédiate.

Aujourd’hui, nous ne formons plus une société mais des morceaux de société accolés les uns aux autres : notre but n’est pas d’inclure, il est d’exclure.

Cette situation est grave mais elle n’est pas désespérée !

Quand des millions de citoyens descendent spontanément dans la rue pour manifester calmement leur rejet de la violence, il y a de l’espoir.

Non, la loi de la nature ne s’impose pas aux hommes si ils ne le veulent pas.

La violence de la nature, elle doit et elle peut être rejetée. La première condition est de restaurer des institutions crédibles, de rendre ses lettres de noblesse à la politique : si nous n’avons pas d’institutions respectées, capables d’imposer la volonté de tous aux sauvages du terrorisme, aux sauvages du capitalisme barbare, à ceux qui pensent que les hommes doivent en permanence être en concurrence les uns avec les autres, si nous n’avons pas des institutions démocratiques capables de mettre au pas les violents, nous ne nous en sortirons pas.

Il faut donc restaurer le débat politique. A ce niveau, le débat est un objectif et un but en tant que tel car, par lui-même il permet déjà d’inclure et non d’exclure.

Les partis politiques ont à ce titre une responsabilité écrasante : ils doivent s’ouvrir, se moderniser, se régénérer pour renouveler le débat politique et le rendre crédible.

Cela passe par l’action personnelle de chaque mandataire, de chaque citoyen mais c’est là qu’est la voie.

Et au-delà du débat indispensable, incontournable, qui permet avec respect d’échanger les points de vue et de construire l’intérêt général, il faut un projet de société ; il faut des actes concrets.

Le premier objectif qui se présente aux mandataires locaux que nous sommes, c’est celui de l’emploi et de la dignité: nous devons offrir et surtout aux jeunes, une chance de construire leur vie dans la sérénité. L’esprit de compétition que l’on nous indique être la seule voie, est une erreur monstrueuse qui ne fait que générer violence économique et destruction sociale. Ce n’est pas de l’esprit de compétition que naissent la valeur et la richesse, c’est de l’émulation, de l’esprit de coopération.On ne parle pas assez de tous les succès économiques de l’économie sociale : entreprises publiques de qualité, coopératives dans le secteur de la pharmacie ou de la finance, réseau associatifs alternatifs de production et de distribution,… Cela marche ! Et mieux qu’à la bourse de New York !

Cet emploi nous devons y travailler, y compris sur le terrain de la proximité, en bousculant nos habitudes, en étant exigeants, avec nous-mêmes et avec les services dont nous sommes responsables.

Les idées sont nombreuses , mais je reviens sur quelques points concrets qui me semblent essentiels :

Le partage du temps de travail : il faut avancer dans cette voie car de toute façon, avec la robotisation , elle s’impose à nous ; ce mouvement révolutionnaire des systèmes de production, nous ne devons pas le subir ; nous devons le maîtriser et le contrôler au bénéfice de tous ;

Les centres publics d’aide sociale sont devenus les centres publics d’action sociale ; il faut aujourd’hui que les assistants sociaux deviennent des entrepreneurs sociaux ; nos services ne sont pas là pour accompagner les situations difficiles ; ils sont là pour trouver des solutions, et dans le domaine de l’emploi, cela passe par la création concrète d’emplois, par des initiatives précises , en dehors des paperasses qui s’entassent dans les armoires

Il faut supprimer les cours philosophiques et les remplacer par des cours de philosophie ;

Il faut arrêter de chasser les faibles, en l’occurrence les chômeurs, alors que la moindre fraude fiscale coûte à l’Etat bien plus cher que les fraudes sociales de tous les chômeurs réunis ;

Enlevons nos tabous ; enlevons nos œillères.

La gauche a une responsabilité particulière, car elle a pour vocation de ne pas laisser faire la nature des choses et d’imposer au monde la volonté des hommes.

Nous devons arrêter les discours trop simplistes du style «  il faut prendre l’argent aux riches ».

Nous devons arrêter les tremolos du style «  j’ai mon cœur qui saigne ».

Nous devons construire un projet moderne, audacieux, qui pourra mettre en mouvement la générosité, l’énergie, l’intelligence de toutes celles et tous ceux qui croient qu’un autre monde est possible.

Et, çà, je le crois, : un autre monde est possible ; je vous le souhaite et je souhaite que 2015 nous permette d’en renforcer les fondations.

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